Mémoire au ministère de l’Éducation concernant les commissaires à l’intégrité et les procédures de réunions des conseiller(ère)s scolaires
Paul Dubé
Ombudsman de l’Ontario
Avril 2024
Aperçu
Le ministère de l’Éducation a sollicité des commentaires sur trois projets de règlements touchant la gouvernance et la responsabilisation des conseils scolaires. Le premier porte entre autres sur les compétences des commissaires à l’intégrité et les plaintes relatives au code de conduite. Le deuxième traite de la réduction maximale de la rétribution d’un(e) conseiller(ère) comme sanction pour contravention au code de conduite du conseil scolaire. Quant au troisième, il s’agit des modifications à apporter au Règlement de l’Ontario 463/97 (Réunions électroniques et présence aux réunions) pris en application de la Loi sur l’éducation[1] pour tenir compte des conséquences des exigences de présence physique aux réunions sur les membres des conseils couvrant de larges régions nordiques et rurales.
Je salue les efforts du gouvernement pour améliorer la gouvernance locale et la responsabilisation par la consolidation du cadre relatif aux codes de conduite des conseiller(ère)s scolaires et la modernisation des exigences de présence en personne aux réunions. À la lumière de la vaste expérience de mon Bureau avec les codes de conduite, les commissaires à l’intégrité et l’accessibilité des réunions des conseils scolaires, j’ai préparé le présent mémoire pour faire part de notre expertise et épauler davantage le Ministère dans ses efforts de transparence et de responsabilisation relativement à la gouvernance des conseils scolaires.
Rôle et compétence de l’Ombudsman
L’Ombudsman est un officier indépendant et impartial de l’Assemblée législative de l’Ontario, nommé par toutes les parties[2], et dont le rôle est de s’assurer que le gouvernement provincial et la fonction publique ontarienne servent la population d’une façon équitable, responsable, transparente et respectueuse de ses droits.
Nos interventions visent à résoudre des questions concernant l’administration du gouvernement et de la fonction publique ou à enquêter sur ces questions, et nous formulons des recommandations fondées sur des données probantes en vue de mesures correctives si c’est nécessaire. Nous intervenons pour donner suite à une plainte ou de notre propre initiative, et nous sommes reconnu(e)s internationalement pour la qualité et les répercussions de notre travail.
L’Ombudsman est une institution démocratique et non un ministère du gouvernement; c’est un organe essentiel dans tout État fondé sur la démocratie, la primauté du droit, la bonne administration et le respect des droits.
Fondé en 1975, le Bureau de l’Ombudsman de l’Ontario traite les plaintes sur les décisions et mesures administratives de plus de 1 000 organismes de la fonction publique et du gouvernement de l’Ontario, et concernant les services en français et les services fournis dans le secteur de la protection de l’enfance.
Depuis que mon Bureau a obtenu un droit de surveillance sur les conseils scolaires le 1er septembre 2015, il a reçu près de 7 000 plaintes et demandes de renseignements à leur sujet, dont 326 concernent les conseiller(ère)s scolaires. La plupart de ces plaintes et demandes portaient sur la conduite de conseiller(ère)s et la façon dont les conseils scolaires enquêtent et imposent des sanctions en cas d’infractions présumées aux codes de conduite.
Mon Bureau a aussi beaucoup d’expérience et d’expertise en enquête sur les réunions à huis clos des municipalités et des conseils scolaires. Il enquête sur les réunions à huis clos de plus de la moitié des 444 municipalités de l’Ontario. Depuis 2008, il a enquêté sur des centaines de réunions à huis clos de conseils, de comités et de conseils locaux, conformément à la Loi de 2001 sur les municipalités[3], et transmis des pratiques exemplaires et des recommandations officielles à de nombreuses municipalités. Il a également conçu une banque de données (Réunions publiques : Recueil des cas[4]) et produit un guide (Réunions publiques : Guide pour les municipalités[5]) qui résument les enquêtes, expliquent les règles des réunions publiques et communiquent des pratiques exemplaires aux municipalités. Fort de son expertise en réunions municipales, mon Bureau a aussi enquêté sur plusieurs plaintes concernant des réunions à huis clos de conseiller(ère)s scolaires; les résultats se trouvent à la section Éducation de notre site Web[6].
Mon Bureau a également préparé, à l’intention des municipalités, des ressources sur les pratiques exemplaires, ressources inspirées de son examen des plaintes au sujet des codes de conduite et des commissaires à l’intégrité. Pour aider les municipalités, les commissaires à l’intégrité et le public, nous avons publié deux ressources détaillées : Commissaires à l’intégrité de municipalités : guide des pratiques exemplaires[7] et Codes de conduite, protocoles de plainte et d’enquête, et nomination des commissaires à l’intégrité : guide pour les municipalités[8]. Les deux guides se trouvent sur le site Web de mon Bureau[9].
Mon Bureau prône depuis longtemps le renforcement de la responsabilisation et de la transparence des conseiller(ère)s scolaires. J’ai déjà présenté des mémoires au ministère de l’Éducation en 2017 et 2021[10] ainsi qu’au Comité permanent de la politique sociale en 2023[11]. J’avais alors proposé d’apporter des améliorations importantes au cadre sur la responsabilisation des conseiller(ère)s, notamment ce qui suit :
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obligation d’avoir un code de conduite traitant de sujets prescrits normalisés;
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possibilité pour le public et les conseiller(ère)s scolaires de déposer des plaintes relatives aux codes de conduite;
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amélioration des procédures de traitement et d’enquête pour les plaintes relatives aux codes de conduite;
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élargissement du rôle des commissaires à l’intégrité des conseils scolaires de manière à englober les conflits d’intérêts aux termes de la Loi sur les conflits d’intérêts municipaux;
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amélioration des pratiques de réunions à huis clos.
Certaines de ces suggestions ont déjà été intégrées sous forme de changements législatifs et réglementaires. Par exemple, à la suite de mon mémoire de 2017, le gouvernement provincial a concrétisé une de mes propositions les plus importantes en adoptant le Règlement de l’Ontario 246/18 (Membres de conseils scolaires – Code de conduite), qui oblige chaque conseil scolaire à adopter un code de conduite.
Je suis ravi de voir le gouvernement mettre en œuvre davantage de mes propositions, dont celles provenant de mon mémoire de mai 2023 présenté au Comité permanent de la politique sociale pendant son examen du projet loi 98, aujourd’hui la Loi sur l’amélioration des écoles et du rendement des élèves. À l’avenir, la Loi sur l’éducation obligera les conseils scolaires à adopter un code de conduite, mais prévoira aussi un ensemble normalisé de sanctions en cas de contravention au code de conduite. En plus d’ajouter des procédures de traitement et d’enquête pour les plaintes sur les codes de conduite dans la Loi, le Ministère propose d’autres améliorations procédurales ainsi qu’un cadre solide pour vérifier les compétences des commissaires à l’intégrité, ce qui est encourageant.
J’applaudis les mesures prises par le Ministère pour améliorer la gouvernance des conseils scolaires et resserrer les exigences de responsabilisation des conseiller(ère)s scolaires dans la Loi sur l’éducation. Je suis aussi heureux que certaines de mes propositions précédentes se reflètent dans les documents de consultation du Ministère.
Dans le présent mémoire, je mettrai l’accent sur les autres mesures que le Ministère peut prendre pour atteindre son objectif, soit renforcer la transparence et l’équité des processus relatifs aux codes de conduite des conseiller(ère)s scolaires et aux enquêtes des commissaires à l’intégrité.
Nominations des commissaires à l’intégrité
Le paragraphe 218.3(4) de la Loi sur l’éducation permettra au Ministère de créer un tableau de commissaires à l’intégrité pour les conseils scolaires, pouvoir qu’il compte bien exercer. Les commissaires à l’intégrité doivent figurer dans ce tableau pour être nommé(e)s[12]. Cependant, la modification à venir de l’article 218.3 de la Loi ne précise ni quand ni comment les conseils scolaires doivent faire les nominations. J’invite le Ministère à clarifier le processus de nomination des commissaires à l’intégrité inscrit(e)s au tableau, notamment quand un conseil scolaire doit nommer un(e) commissaire à l’intégrité, la marche à suivre et la durée de la nomination.
Proposition 1
L’article 218.3 de la Loi sur l’éducation devrait être modifié pour clarifier le processus de nomination des commissaires à l’intégrité inscrit(e)s au tableau, notamment quand un conseil scolaire doit nommer un(e) commissaire à l’intégrité, la marche à suivre et la durée de la nomination.
Dans sa proposition, le Ministère a demandé de la rétroaction sur les compétences minimales exigées des commissaires à l’intégrité. Mon Bureau préconise depuis longtemps l’inclusion de ces exigences; je trouve donc encourageant de voir qu’on prévoit en instaurer. Voici les compétences minimales proposées par le Ministère :
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Au moins trois ans d’expérience en enquête ou en prise de décisions ainsi qu’en application des principes du droit administratif, dont les obligations d’équité et de justice naturelle;
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Expérience pertinente en éthique professionnelle et dans au moins un des domaines suivants : enquêtes en milieu de travail, droit de l’éducation, gouvernance et droits de la personne;
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Connaissance du système d’éducation publique et de la Loi sur l’éducation ainsi que des règlements et politiques applicables.
Ces exigences garantiront que l’ensemble des commissaires à l’intégrité des conseils scolaires ont les compétences de base requises pour réaliser des enquêtes exhaustives et justes.
Outre ces compétences essentielles, il est important que le public et les conseiller(ère)s visé(e)s par une enquête aient confiance en l’impartialité de l’enquêteur(euse) choisi(e). En plus d’avoir les compétences minimales requises, les commissaires à l’intégrité devraient, comme condition à leur nomination, être tenu(e)s de déclarer l’absence de conflits d’intérêts, notamment d’intérêts financiers, susceptibles de nuire à leur impartialité dans l’exercice de leurs fonctions.
Le Ministère devrait exiger que les commissaires à l’intégrité soient indépendant(e)s des conseils scolaires auxquels ils(elles) sont nommé(e)s. Les relations professionnelles actuelles ou récentes entre un(e) commissaire et un conseil pourraient être perçues comme étant trop étroitement liées aux intérêts des conseiller(ère)s. Lors de la création du tableau des commissaires à l’intégrité, le Ministère devrait vérifier qu’aucune personne actuellement ou récemment employée par un conseil scolaire, ou fournissant ou ayant récemment fourni des services autres que de commissaire à l’intégrité (ex., services juridiques, enquêtes ou autres services professionnels), ne peut devenir commissaire à l’intégrité de ce conseil.
Proposition 2
Le ministère de l’Éducation devrait vérifier qu’aucune personne actuellement ou récemment employée par un conseil scolaire, ou fournissant ou ayant récemment fourni des services autres que de commissaire à l’intégrité (ex., services juridiques, enquêtes ou autres services professionnels), ne peut devenir commissaire à l’intégrité de ce conseil.
De plus, j’invite le ministre à accorder aux conseils scolaires le pouvoir de nommer des commissaires à l’intégrité pour enquêter sur les allégations de contraventions à la Loi sur les conflits d’intérêts municipaux[13]. Bien que les conseiller(ère)s scolaires soient tenu(e)s de se conformer à cette loi, les commissaires à l’intégrité des conseils scolaires n’ont pas le pouvoir d’examiner les problèmes s’y rapportant, contrairement à leurs homologues municipaux. Actuellement, pour faire examiner la conformité d’un(e) conseiller(ère) scolaire à cette loi, un(e) électeur(rice) doit présenter une demande à un(e) juge[14].
En revanche, la Loi de 2001 sur les municipalités confère aux commissaires à l’intégrité municipaux(ales) le pouvoir d’enquêter sur les violations alléguées de la Loi sur les conflits d’intérêts municipaux dans certaines circonstances[15], ce qui offre une solution de rechange aux tribunaux pour déterminer si un(e) conseiller(ère) municipal(e) a manqué aux règles concernant les conflits d’intérêts imposées par la loi. L’établissement d’un processus semblable pour les commissaires à l’intégrité des conseils scolaires renforcerait la conformité à la Loi sur les conflits d’intérêts municipaux et favoriserait la responsabilisation et la transparence de la gouvernance des conseils scolaires.
Proposition 3
Le Ministère devrait songer à modifier la Loi sur l’éducation afin de permettre aux conseils scolaires de nommer des commissaires à l’intégrité pour enquêter sur les allégations de contravention à la Loi sur les conflits d’intérêts municipaux par des conseiller(ère)s scolaires. Cette modification pourrait être inspirée des paragraphes 223.3(1) et (3) de la Loi de 2001 sur les municipalités.
Codes de conduite
Le Ministère sollicite aussi des commentaires sur différentes exigences proposées pour les codes de conduite et les enquêtes connexes.
J’appuie les exigences énoncées dans la proposition et j’encourage le Ministère à prévoir quand et comment les conseiller(ère)s scolaires visé(e)s par une plainte relative au code de conduite peuvent participer à l’enquête. Plus précisément, un(e) conseiller(ère) visé(e) par une telle plainte devrait pouvoir examiner et commenter la version préliminaire du rapport faisant état de constats défavorables. Également, si une enquête dépasse les 90 jours prévus au paragraphe 218.3(15) de la Loi sur l’éducation, le code de conduite devrait exiger que le(la) commissaire à l’intégrité avise le conseil et le(la) conseiller(ère) visé(e) par la plainte de la nouvelle échéance d’enquête.
Vu les récentes modifications apportées à la Loi sur l’éducation, les commissaires à l’intégrité devront remettre un avis écrit de leur décision au conseil et au(à la) membre dont la conduite a fait l’objet de la plainte. Cet avis devra indiquer les motifs de la décision et des sanctions ainsi que les renseignements sur le droit d’interjeter appel de la décision[16]. À l’instar des municipalités, les conseils scolaires devraient être tenus de publier les rapports des commissaires à l’intégrité[17]. Comme je l’ai dit dans le contexte municipal, quand un(e) commissaire à l’intégrité détermine qu’un(e) membre a contrevenu au code de conduite, son rapport devrait être examiné en séance publique, à moins que la discussion s’inscrive parfaitement dans l’une des exceptions aux règles des réunions publiques de la Loi sur l’éducation. Cela devrait être obligatoire pour les enquêtes sur les plaintes[18].
Proposition 4
Le ministère de l’Éducation devrait établir quand et comment les conseiller(ère)s scolaires visé(e)s par une plainte relative au code de conduite peuvent participer à l’enquête. Un(e) conseiller(ère) visé(e) par une telle plainte devrait pouvoir examiner et commenter la version préliminaire du rapport faisant état de constats défavorables.
Proposition 5
Le ministère de l’Éducation devrait exiger que les commissaires à l’intégrité, quand leur enquête dépasse les 90 jours prévus au paragraphe 218.3(15) de la Loi sur l’éducation, avisent le conseil et le(la) conseiller(ère) visé(e) par la plainte de la nouvelle échéance d’enquête.
Proposition 6
Le ministère de l’Éducation devrait exiger que lorsqu’un(e) commissaire à l’intégrité conclut qu’un(e) membre a contrevenu au code de conduite, son rapport final soit rendu public. De plus, le conseil d’administration scolaire du conseil scolaire devrait être tenu de discuter du rapport en séance publique, à moins que la discussion s’inscrive parfaitement dans l’une des exceptions aux règles des réunions publiques du paragraphe 207(2) de la Loi sur l’éducation.
Avec l’ajout du paragraphe 218.2(2) à la Loi sur l’éducation, le ministre pourra prescrire les questions devant être traitées dans le code de conduite d’un conseil scolaire. Pour déterminer ces questions, il devrait consulter le Règlement de l’Ontario 55/18 (Codes de déontologie – Questions prescrites) pris en application de la Loi de 2001 sur les municipalités. Ce règlement oblige les municipalités à inclure quatre questions dans leur code de déontologie : 1) les dons, les avantages et les frais de représentation; 2) la conduite respectueuse, notamment la conduite envers les fonctionnaires et les employé(e)s de la municipalité ou du conseil local, selon le cas; 3) les renseignements confidentiels; et 4) l’utilisation des biens de la municipalité ou du conseil local, selon le cas[19]. Ces mêmes questions sont pertinentes dans le contexte des conseils scolaires, et j’invite le ministre à imposer, au minimum, leur inclusion dans les codes de conduite.
Au-delà des exigences énoncées dans la Loi de 2001 sur les municipalités, le guide de mon Bureau, Codes de conduite, protocoles de plainte et d’enquête et nomination des commissaires à l’intégrité : guide pour les municipalités, traite d’autres sujets que nous avons recommandé aux municipalités d’ajouter à leur code de conduite[20]. Les sujets pouvant être pertinents dans le contexte des conseils scolaires comprennent la conduite des conseiller(ère)s pendant les réunions, envers le public et sur les réseaux sociaux, et les communications des conseiller(ère)s faites au nom du conseil, notamment dans les médias d’information.
En outre, les conseils scolaires devraient proactivement inclure dans leur code de conduite des dispositions contre les représailles afin que les personnes portant plainte de bonne foi au sujet de la conduite d’un(e) conseiller(ère) scolaire puissent le faire librement. La crainte de représailles pour avoir déposé une plainte, ou coopéré à l’application du code de conduite, peut nuire à l’efficacité du processus de plainte et à la confiance à l’égard de la gouvernance du système d’éducation publique.
Proposition 7
Le ministère de l’Éducation devrait obliger les conseils scolaires à inclure les questions prescrites dans leurs codes de conduite, notamment : les dons, les avantages et les frais de représentation; la conduite respectueuse (notamment envers les fonctionnaires et les employé(e)s du conseil scolaire ainsi que le public, sur les réseaux sociaux et pendant les réunions); les renseignements confidentiels; et l’utilisation des biens du conseil scolaire et les communications faites par les conseiller(ère)s au nom du conseil (notamment dans les médias).
Proposition 8
Le ministère de l’Éducation devrait exiger que les codes de conduite des conseils scolaires comprennent des protections contre les représailles pour les personnes ayant porté plainte ou coopéré avec un(e) commissaire à l’intégrité pendant une enquête.
J’encourage aussi le Ministère à envisager de permettre au public de porter plainte relativement au code de conduite. Conformément aux récentes modifications apportées à la Loi sur l’éducation, les conseiller(ère)s restent les seules personnes pouvant déposer une plainte en lien avec le code de conduite de leur conseil scolaire. De son côté, la Loi de 2001 sur les municipalités permet au public de porter plainte, en lien avec le code de déontologie, contre un(e) représentant(e) municipal(e) élu(e) et de le(la) tenir responsable[21]. Il est difficile de comprendre pourquoi les conseiller(ère)s scolaires élu(e)s devraient être traité(e)s différemment. En permettant au public de déposer des plaintes relatives au code de conduite, on renforcerait sa confiance à l’égard des conseiller(ère)s scolaires.
Les craintes concernant le risque qu’un tel système expose les conseiller(ère)s à des plaintes frivoles ou vexatoires par le public peuvent être dissipées par le nouveau paragraphe 218.3(8) de la Loi sur l’éducation, qui accorde aux commissaires à l’intégrité la discrétion de ne pas enquêter sur une plainte jugée frivole, vexatoire ou faite de mauvaise foi.
Proposition 9
La Loi sur l’éducation devrait être modifiée pour permettre au public de porter plainte contre les conseiller(ère)s scolaires relativement au code de conduite, comme ce qui est prévu au paragraphe 223.4(1) de la Loi de 2001 sur les municipalités.
Modernisation des présences aux réunions
Le Ministère veut obtenir des commentaires sur les modifications qu’il propose d’apporter au Règlement de l’Ontario 463/97 (Réunions électroniques et présence aux réunions) pris en application de la Loi sur l’éducation pour traiter de l’incidence des exigences de présence physique aux réunions sur les membres des conseils couvrant de larges régions nordiques et rurales. Ces modifications permettraient aux conseiller(ère)s d’assister, dans certaines circonstances, aux réunions de manière électronique, selon des exigences bien précises.
Comme le Ministère modernise la présence et la participation aux réunions à la lumière des nouvelles technologies et pratiques, il devrait aussi songer à modifier, dans le Règlement, l’exigence voulant que le public puisse assister physiquement aux réunions du conseil ou d’un comité de celui-ci[22]. Le Ministère note dans son document de consultation que les exigences réglementaires sur la présence en personne ont été temporairement suspendues durant la pandémie pour assurer la santé et la sécurité publiques. Cependant, le Règlement n’autorise pas les conseils scolaires à offrir au public d’autres modes pour observer les réunions du conseil ou d’un comité en d’autres circonstances, par exemple quand le déroulement entièrement en personne pourrait constituer un risque pour la sécurité ou la sûreté des gens.
Récemment, la Commission ontarienne des droits de la personne[23] et le Conseil ontarien des directions de l’éducation[24] ont relevé que les conseils scolaires voient une augmentation de la violence et du harcèlement à l’égard des représentant(e)s de l’éducation pendant les réunions. Mon Bureau a reçu des plaintes à propos de conseils scolaires ayant modifié leurs procédures de réunion en raison d’inquiétudes pour la santé, la sécurité et le bien-être de leur personnel, des conseiller(ère)s et du public[25].
Par exemple, nous avons reçu une plainte parce que les réunions du conseil d’administration scolaire du Durham District School Board étaient diffusées en ligne, mais n’étaient pas accessibles en personne au public. Le Conseil scolaire nous a informés que des comportements de plus en plus préoccupants, dont des injures, des commentaires désobligeants et des menaces de mort, avaient visé ses membres et les conseiller(ère)s scolaires. En raison de ces comportements, le Conseil d’administration et deux de ses comités ont tenu plusieurs réunions sans possibilité de participation en personne pour le public, mais avec possibilité d’y assister en ligne. Après avoir examiné ses protocoles de sécurité et instauré d’autres mesures de sécurité, le Conseil d’administration a autorisé de nouveau les gens à assister à ses réunions en personne, dans le respect des exigences de réunions en personne du Règlement[26].
Pour favoriser la sécurité des personnes assistant aux réunions des conseils scolaires, y compris les conseiller(ère)s et le personnel, le Ministère devrait prévoir une exception aux exigences de présence en personne du Règlement quand la sécurité ou la sûreté est menacée, et établir un cadre clair sur ces circonstances exceptionnelles.
Selon le paragraphe 2(1) du Règlement de l’Ontario 463/97, les conseils scolaires doivent adopter une politique prévoyant l’emploi de moyens électroniques pour la tenue de leurs réunions et de celles de leurs comités. Conformément à la disposition 1 du paragraphe 4(2), cette politique doit prévoir que le conseil fournit aux membres du public les moyens électroniques nécessaires pour participer aux réunions et prévoit l’étendue de leur participation par voie électronique ainsi que le mode de cette participation.
Un conseil scolaire devrait aussi être obligé d’établir dans cette politique comment il informera le public de l’accès à une réunion électronique, par exemple en publiant le lien vers la réunion sur son site Web. De plus, le Règlement devrait exiger que les politiques des conseils scolaires incluent des procédures de surveillance et de règlement des problèmes techniques lors des réunions électroniques.
Proposition 10
L’article 6 du Règlement de l’Ontario 463/97 devrait être modifié pour ajouter une exception à l’exigence de présence physique du public lorsque la sécurité ou la sûreté du personnel du conseil scolaire, des conseiller(ère)s ou du public est menacée. De plus, le ministère de l’Éducation devrait établir un cadre clair sur ces circonstances exceptionnelles.
Proposition 11
Le Règlement de l’Ontario 463/97 devrait être modifié pour exiger que les politiques sur les réunions électroniques des conseils scolaires prévues au paragraphe 2(1) indiquent comment le public peut accéder à ces réunions.
Proposition 12
Le paragraphe 4(1) du Règlement de l’Ontario 463/97 devrait être modifié pour exiger que les politiques des conseils scolaires prévues au paragraphe 2(1) incluent des procédures de surveillance et de règlement des problèmes techniques lors des réunions électroniques.
Modernisation des règles des réunions publiques de la Loi sur l’éducation
Puisque le Ministère songe à moderniser les dispositions sur les obligations des conseils scolaires de tenir des réunions publiques et à améliorer la transparence des conseils scolaires, je l’invite à revoir et à mettre à jour les règles des réunions publiques de la Loi sur l’éducation. Selon cette loi, toutes les réunions d’un conseil d’administration scolaire et de ses comités sont publiques, sous réserve des exceptions prévues[27]. La réunion d’un comité peut être tenue à huis clos quand l’objet de la question à l’étude porte sur l’un des points suivants :
a) La sécurité des biens du conseil;
b) La divulgation de renseignements privés, personnels ou financiers qui concernent un(e) membre du conseil ou du comité, un(e) employé(e) ou un(e) employé(e) éventuel(e) du conseil, ou un(e) élève, son parent ou son(sa) tuteur(rice);
c) L’acquisition ou l’aliénation d’un emplacement scolaire;
d) Des décisions relatives aux négociations avec les employé(e)s du conseil;
e) Des litiges qui touchent le conseil[28];
f) Une réunion d’un conseil d’administration scolaire ou d’un de ses comités se tient à huis clos quand la question devant y être étudiée porte sur une enquête en cours menée en vertu de la Loi sur l’ombudsman[29].
En revanche, la Loi de 2001 sur les municipalités prévoit 14 situations où une réunion municipale peut se tenir à huis clos, et bon nombre pourraient s’appliquer aux réunions des conseils scolaires[30]. Par exemple, elle permet aux conseils municipaux de se retirer à huis clos pour discuter de conseils protégés par le secret professionnel de l’avocat[31]. Cependant, la Loi sur l’éducation omet une telle exception. Cela peut entraîner des difficultés pratiques pour les conseils scolaires souhaitant se conformer aux exigences de réunions publiques de la Loi sur l’éducation, mais aussi préserver la confidentialité des conseils juridiques reçus. Pour cette raison, mon Bureau a reçu des plaintes sur des conseils s’étant réunis à huis clos pour demander ou recevoir des conseils juridiques[32].
Vu ces difficultés, j’encourage fortement le Ministère à envisager d’élargir les exceptions aux réunions publiques prévues dans la Loi sur l’éducation pour y inclure le secret professionnel de l’avocat. Il serait aussi souhaitable d’inclure dans la Loi sur l’éducation d’autres exceptions aux réunions publiques du contexte municipal lors de la modernisation des règles des réunions publiques.
Proposition 13
La Loi sur l’éducation devrait être modifiée pour élargir les circonstances dans lesquelles une réunion des conseiller(ère)s scolaires peut être tenue à huis clos. Plus précisément, le ministère de l’Éducation devrait examiner les exceptions prévues aux paragraphes 239(2) à (3.1) de la Loi de 2001 sur les municipalités pour déterminer celles qui s’appliqueraient aux conseils scolaires.
En plus de ma proposition de publier le mode d’accès aux réunions électroniques, les conseils scolaires devraient être obligés d’aviser le public de leurs réunions. Conformément à la Loi de 2001 sur les municipalités, chaque municipalité doit adopter un règlement de procédure prévoyant l’avis public de toutes ses réunions[33]. Dans le secteur municipal, j’ai recommandé que cet avis indique la date, l’heure et le lieu de la réunion et s’accompagne de l’ordre du jour. Cependant, la Loi sur l’éducation prescrit seulement la remise de l’avis aux conseiller(ères) scolaires[34]. Par conséquent, les conseils scolaires peuvent conduire leurs débats en public ou en privé sans en informer le public.
La population ne peut exercer son droit d’observer les réunions publiques des conseils scolaires si elle ignore que ces réunions se tiennent. J’invite le Ministère à adopter pour les conseils scolaires des exigences semblables à celles des municipalités afin de promouvoir la transparence et la responsabilisation des réunions des conseils scolaires.
Proposition 14
La Loi sur l’éducation devrait être modifiée pour obliger les conseils scolaires à aviser le public de toutes leurs réunions et celles de leurs comités. Cet avis devrait inclure la date, l’heure et le lieu de la réunion ainsi que s’accompagner de l’ordre du jour.
Les conseils municipaux, les conseils locaux et leurs comités sont aussi obligés d’adopter une résolution pour se retirer à huis clos, où ils précisent que la réunion se tiendra à huis clos et décrivent de manière générale la question qui y sera traitée[35]. Cette résolution fournit au public de l’information importante sur l’objet des discussions et aide à inspirer confiance que la réunion s’est dûment tenue à huis clos. De son côté, la Loi sur l’éducation n’exige pas d’un conseil d’administration scolaire ou d’un de ses comités qu’il adopte une résolution en séance publique pour autoriser un huis clos ni que le conseil scolaire informe le public de l’objet des discussions à huis clos. Comme j’ai noté dans mon récent rapport d’enquête sur le Near North District School Board[36], reconnaître publiquement la nature générale des questions discutées à huis clos renforce la transparence de la démocratie locale et permet de tenir responsable les décideur(euse)s quand ils(elles) traitent de questions à huis clos.
Proposition 15
La Loi sur l’éducation devrait être modifiée pour exiger que les conseils d’administration scolaire et leurs conseils indiquent dans la résolution que la réunion se tiendra à huis clos et la nature générale de la question à y étudier.
Conclusion
Je remercie le Ministère de son attention et de son engagement à améliorer la gouvernance et la responsabilisation des conseils scolaires en consolidant le cadre relatif aux codes de conduite pour les membres des conseils scolaires. Je suis aussi heureux de voir le Ministère prendre des mesures pour moderniser les exigences de présence en personne aux réunions des conseiller(ère)s scolaires afin de promouvoir l’équité tout en assurant la transparence. J’ai émis 15 propositions dans le présent mémoire, formulées en fonction de l’expertise de mon Bureau dans le domaine, pour améliorer encore plus les choses.
Mon personnel se fera un plaisir de communiquer plus d’information et de répondre aux questions sur ces propositions.
Paul Dubé
Ombudsman de l’Ontario
[1] Loi sur l’éducation, L.R.O. 1990, chap. E.2 [Loi sur l’éducation].
[2] Loi sur l’ombudsman, L.R.O. 1990, chap. O.6.
[3] Loi de 2001 sur les municipalités, L.O. 2001, chap. 25 [Loi de 2001 sur les municipalités].
[4] Ombudsman de l’Ontario, Recueil des cas de réunions publiques, en ligne.
[5] Ombudsman de l’Ontario, Réunions publiques : Guide pour les municipalités (2023), en ligne.
[6] Ombudsman de l’Ontario, Enquêtes et examens – Réunions de conseils scolaires, en ligne.
[7] Ombudsman de l’Ontario, Commissaires à l’intégrité de municipalités : guide des pratiques exemplaires (2023), en ligne.
[8] Ombudsman de l’Ontario, Codes de conduite, protocoles de plainte et d’enquête et nomination des commissaires à l’intégrité : guide pour les municipalités (2023) [Codes de conduite : guide pour les municipalités], en ligne.
[9] Ombudsman de l’Ontario, Ressources pour les municipalités, en ligne.
[10] Ombudsman de l’Ontario, Mémoire pour la consultation du ministère de l’Éducation sur la gouvernance des conseils scolaires (octobre 2021), en ligne.
[11] Ombudsman de l’Ontario, Mémoire au Comité permanent de la politique sociale sur le projet de loi 98, Loi de 2023 sur l’amélioration des écoles et du rendement des élèves (mai 2023), en ligne.
[12] Loi sur l’éducation, paragraphe 218.3(5).
[13] Loi sur les conflits d’intérêts municipaux, L.R.O. 1990, chap. M.50.
[14] Ibid., paragraphe 8(1).
[15] Loi de 2001 sur les municipalités, article 223.4.1.
[16] Loi sur l’éducation, paragraphes 218.3.1(5) et (6).
[17] Loi de 2001 sur les municipalités, paragraphe 223.6(3).
[18] Codes de conduite : guide pour les municipalités, supra note 8.
[19] Règlement de l’Ontario 55/18, article 1.
[20] Codes de conduite : guide pour les municipalités, supra note 8.
[21] Loi de 2001 sur les municipalités, paragraphe 223.4(1).
[22] Règlement de l’Ontario 463/97, paragraphe 6(1).
[23] Commission ontarienne des droits de la personne, Ce lien s'ouvre dans un nouvel ongletDéclaration de la CODP au sujet des obligations des représentants du secteur de l’éducation en vertu du Code (16 février 2023), en ligne.
[24] Conseil ontarien des directions de l’éducation, Ce lien s'ouvre dans un nouvel ongletDéfendre les droits de la personne et rétablir la courtoisie dans le discours public (6 juin 2023), en ligne.
[25] Lettre de l’Ombudsman de l’Ontario au Niagara Catholic District School Board (13 mars 2024), en ligne; lettre de l’Ombudsman de l’Ontario au Durham District School Board (29 novembre 2023) [Lettre au Durham District School Board], en ligne.
[26] Lettre au Durham District School Board, supra note 25.
[27] Loi sur l’éducation, article 207.
[28] Ibid., paragraphe 207(2).
[29] Ibid., paragraphe 207(2.1).
[30] Loi de 2001 sur les municipalités, paragraphes 239(2) à (3.1).
[31] Ibid., alinéa 239(2)f).
[32] Voir p. ex. lettre de l’Ombudsman de l’Ontario au Grand Erie District School Board (11 octobre 2022), en ligne.
[33] Loi de 2001 sur les municipalités, paragraphe 238(2.1).
[34] Loi sur l’éducation, alinéa 198(1)c).
[35] Loi de 2001 sur les municipalités, paragraphe 239(4).
[36] Ombudsman de l’Ontario, Enquête sur une plainte à propos de réunions tenues par le comité du service des bâtiments de Parry Sound du Near North District School Board les 14 décembre 2022, 12 janvier 2023 et 6 février 2023 (13 mars 2024), paragraphe 85, en ligne.